Pourquoi la punition de Sisyphe diffère de la condition humaine

Affirmer que nos vies sont semblables à celles de Sisyphe est faux et nuisible

Dans le mythe bien connu de la mythologie grecque, les dieux infligent une terrible punition à Sisyphe: il doit pousser un gros rocher en montée, mais peu de temps avant de placer le rocher au sommet de la colline, le rocher descend et Sisyphe doit descendre. et recommencez tout. Sisyphe doit le faire continuellement, sans cesse, pour toujours.

Le philosophe existentialiste français Albert Camus aborde cette histoire avec approbation dans son célèbre livre The Myth of Sisyphus . Camus prend nos vies pour ressembler, en substance, à celles de Sisyphe; il croit que, comme la vie de Sisyphe, les nôtres sont absurdes, de plus, ils le sont nécessairement et irrémédiablement. Je n’ai pas la place dans cet article pour examiner les arguments que Camus présente pour cette revendication; au lieu de cela, je me concentrerai ici sur la discussion de Camus sur Sisyphe, une discussion qui a attiré l’imagination et l’attention de beaucoup.

Camus était un auteur littéraire doué – en effet, il a remporté le prix Nobel de littérature – tout autant qu’un philosophe. Il avait un tel pouvoir rhétorique que beaucoup ont malheureusement été, à mon avis, en train de croire que leur vie est effectivement similaire à celle de Sisyphe. J’ai rencontré beaucoup de gens qui ont été convaincus par la puissante prose puissante de Camus qu’ils vivent eux aussi des vies futiles et absurdes.

Voici pourquoi je pense qu’au moins en ce qui concerne la vie de nombreuses personnes, l’affirmation de Camus est fausse.

1. Réalisation : les efforts de Sisyphe sont vains; il ne réussit jamais dans ce qu’il fait. Cependant, beaucoup d’entre nous réussissent dans une partie ou la plus grande partie de notre travail. Beaucoup d’entre nous ne sont pas engagés dans des efforts inutiles.
2. Valeur : Ce que Sisyphe est obligé d’essayer d’atteindre, à savoir poser une pierre au sommet d’une colline, est stupide et n’a aucune valeur. Ainsi, même si Sisyphe devait réussir dans son effort, rien ne valait la peine. Cependant, certains des objectifs que bon nombre d’entre nous nous sommes fixés sont utiles, de sorte que si nous les réalisons, nous gagnerons quelque chose de précieux.
3. Plaisir : l’activité de Sisyphe – pousser un gros rocher en montée – semble désagréable et douloureuse. Mais beaucoup d’activités auxquelles nous participons sont beaucoup plus agréables.
4. Variété : Sisyphe doit répéter incessamment une seule activité. Cela doit être ennuyeux. Cependant, beaucoup d’entre nous modifient nos activités et peuvent faire des pauses entre eux.
5. Autonomie : Sisyphe ne choisit pas de manière autonome l’activité dans laquelle il est engagé. Il est obligé de le faire contre sa volonté. Cependant, beaucoup d’entre nous choisissent de manière autonome des aspects importants de notre vie et de nos activités.
6. Communauté : Sisyphe doit continuer à pratiquer sa punition et sa vie dans la solitude. Nous faisons cependant souvent partie d’une petite ou d’une grande communauté ou pouvons créer ou rejoindre une communauté.
7. Possibilité d’amélioration : le sort de Sisyphe ne peut pas s’améliorer. Les dieux l’ont condamné à continuer à pousser le rocher pour toujours. Notre sort peut toutefois s’améliorer, et nous pouvons souvent changer les choses.

Je propose que les différences entre la condition de Sisyphe et la nôtre soient trop nombreuses et trop importantes pour que sa vie soit une parabole appropriée à la nôtre. La vie de beaucoup d’entre nous est loin d’être absurde comme celle de Sisyphe, et il est trompeur de dépeindre son état comme étant le même que celui de Camus.

Certains pourraient objecter à ce point que la vie de certaines personnes dans le monde, en fait, correspond en fait à de nombreux égards à la vie de Sisyphe. Par exemple, la vie de certaines personnes qui ont été emprisonnées dans des camps de travaux forcés ou qui doivent travailler dans des ateliers clandestins peut être très similaire à celle de Sisyphe.

    Cependant, l’existence de telles vies est insuffisante pour corroborer les revendications radicales de Camus. Pour Camus, non seulement certaines personnes, mais toutes les personnes, y compris tous ceux qui ne sont pas dans des camps de travaux forcés, ne travaillent pas dans des ateliers clandestins, etc. De plus, pour Camus, cela ne peut pas être changé; c’est un aspect essentiel et nécessaire de la condition humaine. Mais les militants qui dénoncent et protestent contre les conditions épouvantables dans lesquelles vivent certaines personnes dans le monde ne sont généralement pas de cet avis. Ils pensent que seules certaines personnes dans le monde, pas toutes, vivent dans ces conditions terribles et que ces conditions peuvent et doivent être modifiées. En effet, la conviction est que ces conditions peuvent être modifiées et que l’engagement de le faire motive les militants à attirer l’attention du public sur cette question et à protester contre elle.

    Je connais pas mal de personnes qui, malheureusement, ont été influencées par la puissante capacité littéraire et rhétorique de Camus et en sont venues à vivre des vies absurdes, semblables à celles de Sisyphe. Je pense que Camus les a donc inutilement (mais involontairement, bien sûr) blessés. La vie de beaucoup d’entre nous est très différente, à bien des égards, de celle de Sisyphe et, dans les cas où ils ne le sont pas, nous pouvons souvent les améliorer. Dans son livre, Camus essaie de nous montrer comment, une fois que nous acceptons que nous vivons des vies absurdes, nous pouvons essayer de faire face à cette situation. Mais une meilleure voie est probablement de rejeter la prémisse selon laquelle nous menons nécessairement des vies absurdes semblables à celles de Sisyphe.

    Les références

    Albert Camus, Le mythe de Sisyphe , dans Le mythe de Sisyphe et autres essais , trans. Justin O’Brien (New York, Knopf, 1955).