Combattre l’émotion avec l’émotion

Utiliser les émotions pour augmenter la maîtrise de soi.

“La plupart des gens sont prêts à changer non pas parce qu’ils voient la lumière, mais parce qu’ils sentent la chaleur.” Aaron Ben-Ze’ev

La maîtrise de soi est la clé de la capacité à résister aux désirs pour une satisfaction immédiate afin d’obtenir de plus grandes récompenses à l’avenir. Par exemple, la maîtrise de soi est un atout majeur pour la santé. Il permet aux gens de résister aux comportements préjudiciables à la santé, notamment la consommation de tabac, d’alcool et d’autres substances nocives (Miller et al. 2015).

Un moyen important d’améliorer la maîtrise de soi est d’utiliser nos émotions pour atteindre des objectifs ambitieux. Francis Bacon a déjà fait remarquer que “la raison n’avait pas sa propre force, mais devait jouer une passion contre une autre”. Autrement dit, la raison doit acquérir le même type de pouvoir, la même motivation que les passions parfois pour les surmonter.

Dans un livre récent, le psychologue DeSteno (2018) montre que nous pouvons utiliser nos émotions pour atteindre des objectifs ambitieux. Par exemple, on a peur mais reste ferme ou évite les rapports sexuels non protégés en visualisant l’anxiété du lendemain matin (Frijda, 2007). La peur et la honte de la honte sont des motifs convaincants d’actions courageuses. Les émotions nous poussent à valoriser l’avenir plus que nous le ferions normalement.

Des études ont montré que les émotions positives (telles que la joie et l’amour) peuvent être utilisées pour «défaire» les effets des émotions négatives. Dans son livre Positivity, Barbara Fredrickson (2009) écrit que les sentiments positifs modifient même notre vision des personnes que nous ne connaissons pas. Lorsque nous nous sentons bien, nous sommes plus susceptibles d’être gentils et d’offrir de l’aide aux étrangers. Ainsi, cultiver des émotions positives, telles que la compassion et la gratitude, peut réduire nos propres désirs égoïstes pour une gratification immédiate et établir des relations avec d’autres personnes qui pourraient être bénéfiques pour nous-mêmes.

La colère est souvent utilisée pour lutter contre la peur. La colère bloque ou remplace l’expérience de la peur et aide les gens à surmonter leur peur. La colère permet de prendre des risques, alors que la peur l’entrave. En bref, l’émotion de la colère peut dépasser nos doutes quant à nos capacités et nous amener à agir (Lerner et Kelter, 2001). Ainsi, une façon de gérer la peur est de devenir stratégiquement en colère.

La peur est également bonne pour réduire la colère. La colère déclenche l’optimisme à propos de soi. Cela déclenche une tendance à voir le soi comme puissant et capable. Les décideurs en colère traitent généralement les informations de manière déformée, ne tiennent pas compte des options alternatives avant d’agir. En revanche, l’émotion de la peur nous retient d’une action (par exemple, la peur nous fait surestimer le danger).

La peur peut être un outil efficace pour maintenir l’ordre dans une société. Le film The Village (2004) montre que la culture de la peur a une fonction répressive. Les peurs maintiennent le village comme une unité compacte certes sûre, mais le prix payé pour cette sécurité est une limitation majeure de la liberté individuelle et une vie vécue dans la peur chronique.

Une personne qui est dégoûtée ressent une sorte de nausée; il est dirigé vers l’objet qui provoque le dégoût. Le dégoût a déjà été utilisé de manière efficace dans la politique antitabac (par exemple, une étiquette de mise en garde sur les cigarettes utilisant des images graphiques répugnantes) (Hammond et al., 2004).

L’émotion de la fierté (et non de l’orgueil) produit une détermination qui motive les gens à faire plus d’efforts pour résoudre les problèmes. Nous ressentons de la fierté lorsque nous résistons à la tentation et aux comportements agréables qui pourraient autrement nous distraire de nos précieux objectifs (DeSteno, 2018).

Samuel Johnson aurait choisi l’orgueil pour lutter contre son envie. Il se dit que l’envie d’un autre, c’est admettre son infériorité. Lorsqu’il est tenté d’en en envie un autre, il se persuade de son propre statut supérieur (Brooks, 2015).

Le regret est une émotion négative que l’on ressent quand on réalise ou croit qu’un résultat aurait pu être meilleur si l’on avait choisi différemment. Ainsi, une autre stratégie consisterait à réfléchir à la façon dont on se sentirait après, si l’on voulait, disons, briser son régime alimentaire. Les gens ont tendance à minimiser les regrets anticipés (pratiquer des rapports sexuels plus sûrs ou éviter de consommer trop d’alcool). Des recherches sur l’utilisation du préservatif ont montré que le regret anticipé d’avoir des rapports sexuels non protégés augmentait l’utilisation du préservatif (Quisenberry et al., 2015).

Les individus peuvent s’entraîner à se soucier moins de certains désirs, voire à les trouver repoussants, en les associant à des images vives et dégoûtantes (par exemple, des aliments gras avec des images d’artères obstruées) et en associant des images positives à des recevoir un prix, réussir, etc.). Par exemple, l’alcoolique qui lutte pour maintenir son abstinence peut détourner l’attention des activités menant à la consommation d’alcool ou cultiver une répulsion émotionnelle à son égard.

Les références

Ben-Ze’ev, A. (2000). La subtilité des émotions. Cambridge, MA: MIT Press.

Brook, David (2105). The Road to Character, NY: Random House.

DeSteno David (2018). Succès émotionnel: Le pouvoir de la gratitude, de la compassion et de la fierté. NY: Houghton Mifflin Harcourt.

Fredrickson, BL et Joiner, T. (2002). Les émotions positives déclenchent des spirales ascendantes vers le bien-être émotionnel. Science psychologique, 13, 172-175

Frijda, NH (2007). Les lois de l’émotion. Mahwah, NJ: Erlbaum.

Hammond, D., P. McDonald, G. Fong, K. Brown et Cameron R. (2004). L’impact des étiquettes d’avertissement sur les cigarettes et des règlements antitabac sur la cessation du tabagisme. Revue canadienne de santé publique, 95, 201-204

Lerner, JS et Keltner, D. (2001). Peur, colère et risque. Journal of Personality et Social Psychology, 81 (1), 146-159.

Miller GE, Yu T, Chen E, Brody GH (2015) La maîtrise de soi prévoit de meilleurs résultats psychosociaux, mais un vieillissement épigénétique plus rapide chez les jeunes à faible statut socio-économique. Proc Natl Acad Sci USA 112: 10325-10330

Quisenberry AJ, Eddy CR, Patterson DL, Franck CT, Bickel WK (2015). L’expression du regret et l’apprentissage social augmentent les délais de gratification sexuelle. PLoS One. 17; 10 (8)