L'injustice règne toujours à Port-au-Prince

Après avoir passé toute la journée dans un palais de justice de Port-au-Prince, Paul Waggoner fut renvoyé au Pénitencier national, sans que sa fin soit en vue.

Comme vous vous en souviendrez, Paul, un travailleur humanitaire américain âgé de 32 ans en Haïti depuis peu après le tremblement de terre de janvier dernier, a été arrêté il ya deux semaines après avoir été accusé d'avoir transformé un bébé en zombie et de l'avoir kidnappé.

Malgré un certificat de décès signé par un médecin haïtien qui l'a soigné le soir de sa mort, et des déclarations sous serment d'une infirmière américaine qui s'est aussi occupée de lui cette nuit-là et d'un médecin américain qui attestait que le bébé était encore mort le lendemain, un juge a jugé qu'il y avait des motifs suffisants pour détenir Paul en prison en attendant une audience du magistrat, qui ne peut avoir lieu que dans trois mois.

Ceux d'entre nous qui connaissent Paul ont été collés à facebook et twitter aujourd'hui, attendant d'entendre qu'il avait été libéré avec toutes les charges abandonnées. Tragiquement, choquante, ce n'est pas ce qui s'est passé, et ce soir, il est de retour derrière les barreaux.

Je dois avouer qu'au cours de la dernière semaine et demie, je me suis sentie très en colère, au point même de vouloir tourner le dos à Haïti et de ne plus jamais avoir à faire avec elle ou ses gens. Pourquoi, après tout, sont-ils silencieux face à cette injustice et ne parlent pas au nom d'un homme qui a sauvé d'innombrables vies au cours des 11 mois où il a travaillé là-bas?

Cependant, plus je pense à toute cette situation, plus je me rends compte à quel point la position du peuple haïtien est difficile. Dans quelle mesure sont-ils vulnérables aux abus arbitraires, à l'emprisonnement et à la violence? Comment cette vulnérabilité dépasse tout ce que moi, privilégié d'avoir vécu toute ma vie dans les pays démocratiques, je peux imaginer.

Vivant dans ces conditions depuis des générations, comment peuvent-ils s'exprimer sans craindre d'être eux aussi jetés en prison sur des charges amorphes pour une période inconnue? Ou soumis à la violence, eux-mêmes ou leurs familles?

J'en suis également venu à comprendre combien cette existence misérable explique d'autres choses, par exemple, pourquoi, 11 mois après le tremblement de terre, plus d'un million de personnes continuent de vivre dans des tentes déchirées qui empêchent à peine la pluie.

Privé de tout sentiment de sécurité ou de l'espoir que quelque chose créé par le travail aujourd'hui ne sera pas volé ou détruit demain, comment et pourquoi aurait-il un sens d'essayer de reconstruire?

Je reste confiant que Paul Wagoner sera libéré très prochainement. J'ai bon espoir que le peuple haïtien sera bientôt gouverné par des dirigeants qui se soucient réellement de leur bien-être et qui sont disposés à travailler en leur faveur.

Je reste également engagé, encore plus qu'avant, à continuer d'aider le peuple haïtien à parvenir à la stabilité et à réhabiliter son pays brisé. Et j'espère que beaucoup d'autres verront cela de cette façon, et participeront à ces efforts. En tant qu'humains habitant la même planète, je pense que nous n'avons pas d'autre choix.