Transformer le multiculturalisme en compétitivité nationale

Le faible taux de natalité et le vieillissement de la main-d'œuvre ont entraîné une pénurie de travailleurs qualifiés dans de nombreux pays industrialisés. Les gouvernements canadien et australien ont répondu à ce défi démographique en augmentant l'immigration de travailleurs qualifiés dans leur pays. Comme les immigrants récents des deux pays viennent d'Asie et du Pacifique, le Canada et l'Australie deviennent de plus en plus multiculturels. Bien qu'il y ait eu des rapports de réactions hostiles au multiculturalisme dans de nombreux pays, le Canada et l'Australie ont stratégiquement transformé le multiculturalisme en une source d'avantage concurrentiel national.

Le psychologue social John W. Berry suggère que l'intégration et l'assimilation des immigrants dépendent à la fois du maintien de la culture par les immigrants et de l'acceptation culturelle par les sociétés d'accueil. Sous le multiculturalisme canadien et australien, les immigrants sont encouragés à maintenir leur culture. Les immigrants et les ressortissants des pays d'accueil adoptent et s'adaptent aux cultures de l'autre. Cela contraste avec une approche d' assimilation où la société d'accueil exige que les immigrants abandonnent leur culture et adoptent la culture du pays d'accueil. La première approche est considérée comme plus inclusive socialement car elle favorise une plus grande tolérance et acceptation des différences culturelles. Par exemple, dans une étude comparative, les jeunes immigrants au Canada font état d'une plus faible discrimination et d'un meilleur ajustement qu'en France, car le Canada suit une approche plurielle de l'intégration des immigrants, tandis que la France suit une approche d'assimilation.

Les immigrants dans les sociétés qui favorisent le pluralisme sont également plus susceptibles de se naturaliser pour devenir citoyens parce qu'il y a moins de pression pour assimiler. Par exemple, près de 80% des immigrants au Canada et en Australie se sont naturalisés pour devenir des citoyens, comparativement à 46% des immigrants aux États-Unis, ce qui nécessite l'assimilation des immigrants. Il est important que les immigrants deviennent des citoyens parce qu'ils ont des taux d'emploi plus élevés, qu'ils occupent des emplois à statut supérieur et qu'ils ont des revenus plus élevés que les non-citoyens. Aux États-Unis, les Latinos de deuxième génération continuent d'avoir un niveau d'éducation et de profession plus faible en raison de leur maintien culturel plus fort et de leur assimilation plus faible que les autres groupes d'immigrants (par exemple, les Américains d'origine asiatique).

Selon Richard Florida, plus les gens sont tolérants, plus ils auront de talent et de compétences. À cet égard, le Canada et l'Australie ont réussi à attirer des talents qualifiés en raison de leurs politiques de multiculturalisme. Amy Chua (de la célébrité de "Tiger Mom") observe que la tolérance stratégique des différences culturelles et religieuses a conduit à la montée des empires. Comme le talent humain est réparti entre divers groupes de personnes, les nations qui sont capables d'attirer et d'utiliser le meilleur des talents se lèveront au pouvoir.

Lorsque les immigrés forment des diasporas et entretiennent des liens avec leur pays d'origine, ils deviennent aussi des liens commerciaux naturels entre leur pays d'origine et leur pays de résidence (pays d'accueil). Les immigrants peuvent tirer parti de leurs réseaux transnationaux pour faciliter le commerce et les investissements entre les deux pays. Par exemple, en faisant simplement correspondre les exportations canadiennes aux pays d'origine de leurs immigrants, les exportations canadiennes passeront de 1,5% à 10%. Il suffit de dire que l'ambassade des États-Unis au Canada a signalé que la croissance des exportations canadiennes vers les États-Unis a chuté au 15 e rang derrière Hong Kong, l'Indonésie, la Corée du Sud, Taiwan et la Chine.

Malgré ces avantages nationaux, l'avenir du multiculturalisme est incertain dans de nombreux pays et même régions. Des temps économiques difficiles combinés à des taux de chômage élevés ont eu tendance à diminuer les avantages et à renforcer les désavantages d'une société multiculturelle. En général, nous avons assisté à un recul du multiculturalisme, en particulier en Europe. Malgré cette baisse, le Canada et l'Australie ont utilisé le multiculturalisme comme stratégie de compétitivité nationale.

Eddy Ng est titulaire de la chaire FC Manning en économie et commerce à l'Université Dalhousie. Il est co-auteur du document «Le multiculturalisme en tant que stratégie pour la compétitivité nationale: les arguments en faveur du Canada et de l'Australie» dans le Journal of Business Ethics (Springer) avec Isabel Metz de la Melbourne Business School. Suivez Ed sur Twitter @profng.