L’amour donne ce que vous n’avez pas

Le séminaire de Lacan VIII aborde la question séculaire “Qu’est-ce que l’amour?”

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Source: Polity

De quoi parle-t-on quand on parle d’amour? Est-ce le feu ardent de la passion, le contentement chaleureux d’un partenariat à long terme, un sentiment de connexion éphémère? Est-ce que nous aimons de notre force ou de notre faiblesse? J’ai suivi un cours sur la philosophie de l’amour tout en travaillant sur mon diplôme de philosophie. Ce qui m’a le plus frappé, c’est la diversité des réponses à la question de savoir où est l’amour et comment la plupart des penseurs semblaient pouvoir le décrire. Lacan reprend cette question parmi d’autres dans son séminaire VIII, publié en livre de poche l’an dernier par Polity.

Le transfert est l’enjeu central de Lacan, mais il aborde un large éventail de sujets tout au long du séminaire, comme il convient à sa pensée notoirement elliptique et noueuse. Son séminaire VIII contient, entre autres, sa lecture contradictoire du symposium de Platon, ses réflexions sur la castration et la fonction du «phallus», examen littéraire d’une trilogie de pièces de Paul Claudel, et son rôle de l’analyste dans le cadre du traitement. Un décompte complet du séminaire pourrait facilement prendre mille pages, mais je ne soulignerai que quelques points d’intérêt.

“L’amour donne ce que vous n’avez pas” (p. 34). Lorsqu’une personne commence à tomber amoureuse, la chose qu’elle doit offrir à sa bien-aimée est le fait qu’il manque quelque chose dans sa vie, un trou que seul le bien-aimé peut combler. C’est ce qui peut rendre l’amour non partagé si douloureux, car plus nous prenons conscience de ce qui nous manque, plus nous recherchons la personne que nous pensons capable de combler notre manque. Une déclaration d’amour nous rend donc profondément vulnérables, comme peut facilement en témoigner quiconque a été dans une telle position. Dire à quelqu’un que vous l’aimez, c’est admettre que vous êtes incomplet et espérer que vous pourrez également répondre à leurs besoins.

“Je vous ai toujours rappelé que nous devons commencer par le fait que le transfert, en dernière analyse, est une compulsion à répétition” (p. 172). Lacan trouve cette même dynamique de manque et d’espoir de satisfaction dans le phénomène du transfert. Le concept de Freud de la compulsion à répétition découle de son observation selon laquelle nous avons tendance à répéter une situation ou un événement traumatisant malgré le fait de tenter de nous débarrasser des souvenirs du traumatisme initial (pensez à une personne qui date toujours le même type de partenaire abusif). Selon Lacan, cette envie de répéter le passé est ce qui se passe dans la salle de consultation. L’interprétation de la nécessité de répéter le passé en présence de l’analyste devient ainsi l’objectif principal du traitement. Outre la thérapie, cela explique également comment nous portons le bagage des relations passées avec nous et avons tendance à interpréter les expériences présentes à la lumière du passé.

“Je dirais même que, jusqu’à un certain point, le manque de compréhension de l’analyste peut être préférable à une trop grande confiance dans sa compréhension” (p. 193). Dans la conception de Lacan, le thérapeute occupe une position similaire à celle de l’aimé en ce sens que le patient pense que le thérapeute a ce dont il a le plus besoin. Cela place le thérapeute dans une position de grand pouvoir et éclaire pourquoi les violations des limites peuvent être si dommageables pour le patient. Le patient désire quelque chose de la part du thérapeute et sa compulsion de répétition de transfert peut les amener à voir le thérapeute comme l’objet de leur désir. Une thérapie réussie nécessite donc que le thérapeute soit conscient de cette dynamique, ne l’exploite pas pour son propre bénéfice et l’utilise pour aider à guérir le patient. Lacan considère cette dynamique fragile comme une des principales raisons pour lesquelles tous ceux qui cherchent à faire de la thérapie doivent d’abord suivre eux-mêmes une thérapie exhaustive.

Le séminaire VIII couvre de nombreux autres domaines d’intérêt tant pour le clinicien en exercice que pour ceux qui s’intéressent aux grandes questions que Lacan aborde. Bien que je ne le recommande pas comme une introduction à Lacan (Introduction clinique à la psychanalyse lacanienne ou Principes fondamentaux de la technique psychanalytique de Bruce Fink), il est formidable de la trouver dans une traduction anglaise accessible. Dans mon prochain article, je donnerai des indications supplémentaires sur le séminaire VIII et sa pertinence pour la pratique clinique de Lacan on Love de Fink.

Les références

Lacan, J. (2015). Transfert: le séminaire de Jacques Lacan Livre VIII (B. Fink, Trans.). Malden, MA: Polity.