Les sévices graves dans l’enfance peuvent modifier les gaines de myéline dans le cerveau

De nouvelles recherches établissent un lien entre la violence faite aux enfants et la myélinisation dans le cerveau humain.

Les victimes d’abus durant l’enfance sont statistiquement plus vulnérables aux conditions psychiatriques liées au stress tout au long de leur vie. Cette hausse des problèmes de santé mentale chez les enfants maltraités peut être liée à des changements moléculaires et cellulaires dans la structure et le câblage du cerveau.

Geoff B. Hall/Wikipedia Commons

Cortex cingulaire antérieur (ACC) en jaune.

Source: Geoff B. Hall / Wikipedia Commons

Des chercheurs de l’Université McGill au Canada ont constaté que la violence faite aux enfants peut déclencher une réaction en chaîne qui modifie l’architecture et la connectivité fonctionnelle du cortex cingulaire antérieur (ACC). Cette région du cerveau est associée à la régulation de l’humeur et des émotions. En mai 2018, une étude de neuro-imagerie réalisée en Chine a révélé que l’ACC joue également un rôle central dans la mécanique cérébrale de la reconnaissance et joue un rôle d’intermédiaire dans la conversion de la reconnaissance en réciprocité altruiste.

Abus De L’enfant Peut Modifier La Myélinisation Dans Le Cortex Cingulaire Antérieur

Pour la dernière étude de McGill, des chercheurs canadiens ont utilisé des techniques avancées de microscopie pour mesurer l’épaisseur des gaines de myéline entourant les neurones ACC dans différentes cohortes. En comparant les cerveaux des suicides déprimés (avec ou sans antécédents de sévices graves chez les enfants) aux cerveaux de témoins en bonne santé, les chercheurs ont mis au jour des différences notables de myélinisation dans l’ACC.

Notamment, les cerveaux des contrôles sains, qui n’avaient pas été maltraités pendant l’enfance, contenaient une couche de myéline beaucoup plus épaisse dans le CAC. Les gaines de myéline plus épaisses optimisent la capacité des voies de la substance blanche à communiquer efficacement dans et entre les régions du cerveau.

Naguib Mechawar et Gustavo Turecki du Groupe d’études sur le suicide de McGill (MGSS) ont mené cette recherche de pointe sur la maltraitance infantile et la myéline au CAC. Mechawar a partagé ces découvertes dans une conférence intitulée “L’impact de la maltraitance infantile sur les oligodendrocytes et la myélinisation dans le cerveau humain”, dans le cadre d’un symposium intitulé “Nouvelles connaissances sur la neurobiologie de la dépression” à Vancouver.

“Nos résultats démontrent que l’expression des gènes est fortement altérée dans une classe de cellules appelées oligodendrocytes dans l’ACC. Cette classe de cellules est responsable de la production de myéline, un composé isolant qui peut être assimilé au revêtement des fils électriques. Les axones revêtus de myéline transmettent efficacement l’influx nerveux, tandis qu’une perte de myéline est généralement associée à une perte d’efficacité de la transmission », a déclaré Mechawar dans un communiqué. “Nos données montrent clairement que la violence faite aux enfants modifie l’architecture de l’ACC en affectant la formation de la gaine de myéline autour des neurones. Cette modification dans une région clé pour la régulation de l’humeur pourrait expliquer la vulnérabilité accrue des personnes victimes de violence à des troubles de l’humeur tels que la dépression. ”

En 2009, Turecki, avec ses collègues Michael Meaney et Moshe Szyf, a publié un article de référence intitulé «Régulation épigénétique du récepteur des glucocorticoïdes chez les êtres humains ayant des problèmes de cerveau chez l’enfant», dans Nature Neuroscience . Cette étude a identifié comment la violence faite aux enfants peut déclencher des changements épigénétiques dans le cerveau humain. Les dernières découvertes de Turecki & Mechawa présentées lors de la conférence annuelle de CAN-ACN en 2018 apportent des informations précieuses sur des manières spécifiques dont l’abus grave chez les enfants peut avoir un impact durable sur les oligodendrocytes et la myélinisation dans le cerveau humain.

Les références

“L’impact de la maltraitance infantile sur les oligodendrocytes et la myélinisation dans le cerveau humain” par Naguib Mechawar et Gustavo Turecki. Présenté à un symposium: «Nouvelles idées sur la neurobiologie de la dépression». Présidé par Naguib Mechawar de l’Institut Douglas / Université McGill à la 12e réunion annuelle CAN-ACN à Vancouver (13-16 mai 2018).

Patrick O McGowan, Aya Sasaki, Ana C D’Alessio, Sergiy Dymov, Benoît Labonté, Moshe Szyf, Gustavo Turecki et Michael J Meaney. “Régulation épigénétique du récepteur des glucocorticoïdes chez le cerveau humain atteint d’abus durant l’enfance.” Nature Neuroscience (2009) DOI: 10.1038 / nn.2270

Hongbo Yu, Xiaoxue Gao, Yuanyuan Zhou et Xiaolin Zhou. “La gratitude en décomposition: représentation et intégration des antécédents cognitifs de la gratitude dans le cerveau.” The Journal of Neuroscienc e (Publié le 7 mai 2018) DOI: 10.1523 / JNEUROSCI.2944-17.2018