Étude des éventuels préjugés raciaux dans les fusillades impliquant des officiers

Que peut enseigner la psychologie sociale sur les fusillades impliquant des officiers?

La psychologie sociale a toujours essayé de résoudre des problèmes sociaux difficiles. Au début de l’histoire de ce domaine, de nombreux psychologues ont étudié des sujets tels que l’obéissance et la diffusion des responsabilités, motivés par l’observation selon laquelle de nombreux citoyens allemands n’étant pas méchants avaient encore participé au génocide nazi pendant la Seconde Guerre mondiale.

Au cours des dernières décennies, les psychologues sociaux ont examiné les aspects du préjugé racial. Les fusillades impliquant des officiers sont un domaine dans lequel les préjugés raciaux sont particulièrement dangereux. Il y a eu de nombreuses affaires très médiatisées dans lesquelles des officiers de police ont tiré sur des hommes noirs qui se sont avérés non armés. Les psychologues sociaux ont essayé de comprendre les facteurs qui pourraient contribuer à ces fusillades.

Une tâche qui est utilisée dans des études comme celle-ci est la tâche de tir à la première personne, dans laquelle les participants voient une séquence d’images, l’une d’entre elles contenant l’image d’une personne tenant ou non un pistolet. Souvent, les personnes représentées sont tous des hommes. Les participants doivent décider aussi rapidement que possible s’il faut photographier l’individu à l’aide de l’un des deux boutons de réponse. En règle générale, l’étude fait varier la race de l’individu représenté ainsi que le fait que cette personne possède ou non une arme à feu.

Une conclusion typique des études avec cette procédure impliquant des étudiants de premier cycle est que les participants sont plus susceptibles de tirer sur un homme noir sans arme que sur un homme blanc sans arme. Ils sont également susceptibles de tirer sur un homme blanc armé et sur un homme noir armé. Cette découverte suggère qu’il existe un parti pris pour tirer sur des hommes noirs sans armes.

Un article intéressant paru dans le numéro d’octobre 2018 du Journal of Personality and Social Psychology de David Johnson, Joseph Cesario et Timothy Pleskac examinait cette tâche plus en détail pour remédier à certaines limitations. Premièrement, aussi instructif qu’il soit d’étudier les étudiants de premier cycle, la population qui intéresse le plus est la police. Les chercheurs ont examiné à la fois les étudiants et les officiers formés.

Deuxièmement, dans la plupart des situations policières typiques, le répartiteur fournit des informations sur le cas avant l’arrivée du policier. Les répartiteurs fournissent des informations sur les endroits où aller, mais généralement aussi sur ce qui se passe, qui est impliqué et s’il existe ou non une arme. Les informations d’identification sur la personne incluent généralement des informations sur la race.

Dans la tâche modifiée étudiée dans le présent document, avant chaque essai, les participants devaient indiquer s’ils devaient rechercher un homme noir ou un homme blanc. On leur a dit que ces informations seraient toujours exactes (comme c’est généralement le cas lors de dépêches réelles). Ils ont également reçu des informations indiquant si le suspect était armé. Les participants ont été informés que ces informations seraient généralement exactes, mais pas toujours. En fait, dans 75% des procès dans lesquels les participants avaient appris que le suspect était armé, ils ne l’étaient pas. Sur 25% des procès dans lesquels des participants ont été informés que le suspect n’était pas armé, ils étaient armés.

Une étude a comparé le cas dans lequel les personnes n’avaient aucune information avant l’essai (pour correspondre aux recherches précédentes) et la tâche modifiée avec les informations d’envoi.

Dans le cas «pas d’envoi», les étudiants de premier cycle de l’université ont présenté les mêmes tendances que les études précédentes. Ils étaient plus susceptibles de tirer sur un homme noir sans armes que sur un homme blanc sans armes, sans différence de race pour les hommes armés. Les policiers formés ne présentaient aucune preuve significative de partialité raciale. Ils étaient légèrement plus susceptibles de tirer sur des hommes noirs non armés que des hommes blancs non armés, mais cette différence n’était pas significative.

Avec les informations d’envoi, ce modèle a changé pour les deux groupes. Dans ce cas, les étudiants et les officiers formés étaient plus susceptibles de tirer par erreur sur quelqu’un quand on leur disait que la personne était armée et qu’ils étaient en fait désarmés que lorsqu’on leur disait que la personne n’était pas armée et qu’ils ne l’étaient pas. Autrement dit, le biais dans ces données n’était pas basé sur la race, mais sur le fait de savoir si les informations de dépêche suggéraient la présence d’une arme.

Une deuxième étude dans cet article a obtenu le même schéma de résultats concernant l’influence biaisante de l’information pour les étudiants et les officiers qualifiés.

Ces études suggèrent que la seule race ne préjuge pas de la probabilité qu’un officier qualifié décide de tirer sur un suspect. Pour être clair, cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de parti pris dans le maintien de l’ordre, mais que l’explication de la fusillade d’hommes noirs non armés impliquant des officiers n’est peut-être pas que les officiers sont plus enclins à décider de tirer sur un homme noir que sur un homme blanc.

De nombreux facteurs pourraient encore fausser le nombre de fusillades par des officiers. Par exemple, les chercheurs soulignent qu’il n’ya pas beaucoup de données analysées sur les appels de dispatch. Il est possible que les répartiteurs soient plus susceptibles d’inclure des informations sur une arme lorsqu’ils envoient la police enquêter sur un suspect noir que sur un suspect blanc. Il est possible que les personnes qui signalent des crimes au 911 soient plus susceptibles de mentionner une arme à feu pour suspects noirs que pour suspects noirs.

Ces deux facteurs conduiraient à davantage de situations chez les Noirs. La police risque de se faire tirer dessus par des hommes noirs, car il existe un parti pris pour tirer sur un suspect que l’on pense être armé.

La raison pour laquelle de telles recherches sont importantes est que la police souhaite éliminer toutes les fusillades inutiles. Et ils souhaiteraient en particulier éliminer les sources de partialité chez les victimes de fusillades impliquant des officiers. Pour améliorer les procédures policières, il est toutefois important de comprendre les facteurs psychologiques à l’origine des erreurs.

Références

Johnson, DJ, Cesario, J. & Pleskac, TJ (2018). Comment l’information préalable et l’expérience de la police affectent les décisions de tirer. Journal de la personnalité et de la psychologie sociale, 115 ( 4), 601-623.