La philosophie de l'amitié

[Article mis à jour le 6 septembre 2017]

Un homme est heureux s'il a simplement rencontré l'ombre d'un ami. -Menander

Platon et Aristote accordent une place importante à l'amitié dans la bonne vie: Platon consacre la majeure partie des trois livres (la Lyse , le Phèdre et le Symposium ) à l'amitié et à l'amour, et au Livre VIII de l' Ethique à Nicomaque Aristote prodigue des extravagances louons le concept grec d'amitié ou de philia , qui inclut non seulement les relations volontaires, mais aussi les relations qui existent entre les membres d'une famille. L'amitié, dit Aristote, est une vertu qui «est la plus nécessaire pour vivre … car sans amis, personne ne voudrait vivre, bien qu'il ait tous les autres biens».

Si l'amitié est si importante pour la bonne vie, alors il est important de poser la question, qu'est-ce que l'amitié? Selon Aristote, pour qu'une personne soit amie avec une autre «il est nécessaire qu'ils se fassent mutuellement de bonnes volontés et qu'ils souhaitent de bonnes choses l'un pour l'autre, sans que cela échappe à leur attention». Une personne peut faire preuve de bonne volonté envers une autre pour l'une des trois raisons suivantes: être bon (c'est-à-dire rationnel et vertueux), plaisant ou utile. Alors qu'Aristote laisse la place à l'idée que les relations fondées sur l'avantage seul ou le plaisir seul peuvent donner naissance à des amitiés, il estime que ces relations ont moins de prétentions d'amitiés que celles fondées en partie ou entièrement sur la vertu. «Ceux qui souhaitent de bonnes choses à leurs amis pour l'amour de ce dernier sont surtout des amis, parce qu'ils le font à cause de leurs amis eux-mêmes, pas par coïncidence». Les amitiés fondées en partie ou entièrement sur la vertu sont souhaitables non seulement parce qu'elles sont associées à un degré élevé de bénéfice mutuel, mais aussi parce qu'elles sont associées à la camaraderie, la fiabilité et la confiance. Plus important encore, être dans une telle amitié et rechercher le bien de son ami, c'est exercer la raison et la vertu, qui sont la fonction distinctive des êtres humains, et qui équivaut au bonheur.

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Platon et Aristote, l'école d'Athènes par Raphaël. «Platon est mon ami, mais la vérité est un meilleur ami.
Source: Wikicommons

Pour Aristote, un acte d'amitié est entrepris à la fois pour le bien de son ami et pour le bien de soi-même, et il n'y a aucune raison de penser que l'un s'oppose à l'autre. En tout cas, avoir un ami parfait, c'est avoir un «autre soi», puisque des amis parfaits font les mêmes choix les uns que les autres et que le bonheur de chacun s'ajoute à celui de l'autre. Malheureusement, le nombre de personnes avec lesquelles on peut entretenir une amitié parfaite est très faible, d'abord parce qu'on ne trouve pas la raison et la vertu chez tous (jamais, par exemple, chez les jeunes qui ne sont pas encore assez sages pour être vertueux ), et, deuxièmement, parce qu'une amitié parfaite ne peut être créée et soutenue que si une paire d'amis passe beaucoup de temps de qualité exclusive ensemble. Ainsi, même si l'on vivait entièrement entouré de gens vertueux, on n'aurait jamais le temps d'avoir au plus une poignée d'amis parfaits.

L'idéal de l'amitié parfaite peut paraître un peu élitiste au lecteur moderne, mais Aristote a sûrement raison de soutenir que les meilleures amitiés sont à la fois rares et exigeantes. Si les meilleures sortes d'amitié sont celles qui sont fondées sur la vertu, c'est surtout parce que de telles amitiés appellent l'exercice de la raison et de la vertu, qui est la fonction distinctive des êtres humains, et qui équivaut au bonheur. Cependant, il se pourrait que la fonction distinctive des êtres humains ne soit pas l'exercice de la raison et de la vertu, mais la capacité de former des relations aimantes et significatives. Si tel est le cas, alors les amitiés fondées sur la vertu sont encore plus importantes pour la bonne vie qu'Aristote ne le pense.

Malgré les louanges extravagantes qu'il prodigue à l'amitié, Aristote est bien clair que la vie la meilleure et la plus heureuse n'est pas la vie d'amitié, mais la vie passée dans la contemplation des choses les plus vraies et donc les plus belles et les plus sûres. Il y a une contradiction ici: si la meilleure vie est une vie de contemplation, alors l'amitié est soit superflue, soit hostile à la meilleure vie, et donc indigne de la haute louange qu'Aristote lui prodigue. Il se peut, comme le suggère provisoirement Aristote, que l'amitié soit nécessaire parce qu'elle mène à la contemplation, ou que la contemplation n'est possible que de temps en temps et que l'amitié est nécessaire le reste du temps, ou même qu'une vie d'amitié est tout aussi bonne comme une vie de contemplation. Voilà pour Aristote, pourrait-on dire. Platon donne aussi une place importante à l'amitié dans la bonne vie …

La philosophie de l'amitié, partie 2 de 3

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Source: Neel Burton