Peut-on lire le cas de Dora de Freud comme un roman moderne?

Steven Marcus, dans son essai sur Freud et Dora, compare Freud à un romancier moderne. Que veut-il dire par là? Il parle des dispositifs littéraires modernes de Freud, de son encadrement de l'histoire du cas, de la fragmentation, du mélange des séquences temporelles, de la difficulté du texte, des détails sexuels scabreux et surtout de l'utilisation d'un narrateur peu fiable.

Commençons par ce dernier élément en premier. Que veut dire Marcus par un narrateur peu fiable? Qui sont les narrateurs dans les romans modernes que nous connaissons qui ne sont pas fiables ou qui font peu de différence entre le narrateur et les personnages? Nous pourrions penser à Humbert Humbert dans "Lolita" ou John Dowell dans "Le Bon Soldat" ou Marcel dans "Le Souvenir des Choses Passées" ou, revenons un peu à Nelly Dean, la gouvernante qui raconte l'histoire dans "Wuthering Heights". "

Nous sentons que Freud fait peu de distinction entre ses propres pensées, fantasmes et sentiments et la jeune fille qu'il appelle Dora. Il lui dit qu'elle tousse parce qu'elle se met à la place de la maîtresse de son père, chez Frau K, en imaginant qu'elle est en train de baiser avec le père de Dora! La jeune Dora, qui n'a pas encore dix-huit ans, ne pense peut-être pas à quelque chose de ce genre, d'autant plus qu'elle croit aussi que son père est impuissant. Comme le souligne Lacan, dans un cas de ce genre, d'autres fantaisies, comme le cunnilingus, pourraient être plus probables!

Freud, dans le post-scriptum, parle du transfert mais pas du contre-transfert. En effet, c'est quelque chose qu'il discute rarement dans aucun de ses écrits. On se demande pourquoi il se fait le champion de Herr K, le mari de la maîtresse du père, malgré son comportement, tentant de séduire Dora, dans son bureau, un enfant de treize ans, puis de nouveau au lac. Nous savons qu'il connaissait Monsieur K. et même que c'était lui qui avait amené le père de Dora à Freud. Quelle était leur relation nous nous demandons, mais ne sont jamais dit.

Tout au long de l'histoire de cas, Freud utilise la méthode du romancier moderne pour mélanger la séquence chronologique. Il nous donne l'information qui nous conduit inéluctablement à ses conclusions, déployant peu à peu ses révélations mais ne respectant pas nécessairement le passage du temps. Quelque part au milieu de l'histoire de cas, par exemple, nous avons le thème de la bisexualité, qui était beaucoup sur l'esprit de Freud à l'époque, mis en place. Dora était peut-être amoureuse de Herr K. mais elle aimait aussi sa femme, Frau K, avec son beau corps blanc. Cet exemple d'un auteur qui divulgue habilement ce que l'on pourrait appeler aujourd'hui «la révélation» au bon moment nous semble en effet moderne aujourd'hui.

Pour autant que son histoire de cas soit difficile à lire, hermétique, Freud lui-même nous dit que nous ne le comprendrons pas si nous n'avons pas lu son "Interprétation des Rêves" Ceci est évidemment une auto-promotion car l'histoire du cas reste aujourd'hui une lecture engageante et interminablement intéressante. Comme Freud lui-même a écrit à son grand ami Fliess: «C'est la chose la plus subtile que j'ai jamais écrite et qui produira un effet encore plus horrifiant que d'habitude.

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