La méditation, l’esprit de singe et les papillons

Ayez des pensées, mais ne les laissez pas vous avoir.

Je m’assieds sur mon coussin de méditation, ferme les yeux et vide mon esprit. En me concentrant sur mon souffle, je le sens entrer par mon nez, me remplir les poumons et élargir mon diaphragme. Puis j’observe l’expiration lente alors que le souffle sort de mon corps par le nez.

C’est comme ça que ça doit fonctionner de toute façon. Mais la réalité est que mon esprit vagabonde et que je dois constamment le saisir et le ramener à la respiration. Il n’y a rien de magique à se concentrer sur le souffle. Je pourrais choisir de me concentrer sur un mantra à la place. Le but est de vider l’esprit. Au moins c’est ce que je pensais. Mais j’ai fini par comprendre que le point de méditation n’est pas tant de nettoyer l’esprit que d’apprivoiser l’esprit. La méditation n’est pas une fin en soi, pas pour moi. C’est plutôt une pratique intense d’apprivoiser l’esprit.

Les bouddhistes se réfèrent généralement à «l’esprit de singe», une description pertinente. Quiconque a déjà observé un singe sait que les singes ne semblent pas rester immobiles. Ils sautent d’un endroit à l’autre de manière imprévisible. De même, mon esprit résiste à mes efforts pour le maintenir immobile et au même endroit, concentré sur mon souffle.

Je n’ai pas de pensées. Plutôt, les pensées ont moi. Ils me conduisent sur des routes sombres. Je ne veux pas ruminer une rancune passée, une gêne actuelle ou une inquiétude future, mais je le fais quand même. C’est là qu’intervient la méditation.

La méditation est une pratique délibérée consistant à concentrer l’esprit sur un seul objet, tel que mon souffle. En dépit de cette tentative, l’esprit erre inévitablement. La bonne réponse est de remarquer que mon attention est dérivée du souffle et de le ramener à la maison. C’est tout.

Avec la pratique, les compétences se développent. Non seulement je suis plus apte à méditer, mais plus important encore, je suis plus apte à surveiller et à réguler mes pensées au cours de la journée. Et les avantages de le faire sont énormes. Je maîtrise mieux mes humeurs, je réagis de manière plus appropriée aux situations et aux personnes et je travaille de manière plus productive.

Néanmoins, l’esprit du singe errant est naturel, nous devons donc considérer sa valeur. J’ai fini par penser que l’esprit du singe avait une valeur de survie mais pas de bonheur. L’évolution ne vise pas le bonheur mais plutôt la survie et la reproduction. L’esprit vagabond et éveillé peut produire des informations importantes et inspirer la prudence face aux dangers potentiels. Nous ne devrions donc probablement pas l’éliminer complètement et, heureusement, cela semble impossible de toute façon.

La chanson Pearl Jam «Even Flow» comprend le poétique lyrique «les pensées arrivent comme des papillons». C’est une description appropriée, car les papillons semblent parfois surgir de nulle part et disparaître en vol imprévisible. Mais les papillons sont toujours agréables, alors que de nombreuses pensées ne le sont pas. D’après mon expérience, les pensées non désirées ressemblent davantage à des cafards, laids et rarement éliminés avec finalité.

Autrefois, on disait souvent que les mains oisives étaient l’atelier du diable. Sans vouloir prendre Satan au sérieux, j’ai fini par penser qu’un esprit oisif est l’atelier du diable. Au moins, je cause la plus grande partie de ma propre misère quand mon esprit n’est pas occupé.

Certaines de mes pensées les plus négatives viennent quand je suis sous la douche. Je me détends et baisse ma garde. De manière prévisible, mon esprit vagabonde et il va souvent dans des endroits laids. Pour lutter contre cela, j’ai développé l’habitude de chanter sous la douche. Cela soulève mon humeur et maintient mes pensées concentrées sur les mots des chansons. Je me demande cependant ce que je risque de perdre en me concentrant de la sorte. Après tout, jadis, j’avais eu des pensées et des idées perspicaces tout en laissant mon esprit vagabonder dans la douche.

Il semble clair que j’ai besoin de certains endroits de ma vie où je laisse mes pensées circuler librement. C’est bien de minimiser les cafards, mais je dois faire une place aux papillons.